Poule La Flèche : Un gentil démon
Historique :
D'après les écrits relatés par les anciens, l'ancêtre de la poule La Flèche trouverait ses origines vers les années 1400 et probablement bien au delà, les fermiers de l’époque ne s’encombraient pas d’écrits.
Prudent le Choyselat, Procureur du Roi Charles IX à Sézanne, parle d’elles comme la Poule d’Anjou en 1569 dans son traité avicole “Discours oeconomique ... monstrant comme de cinq cens livres pour une fays employees l'on peult tirer par an quatre mil cinq cens livres de profict honneste” et il écrit que les meilleures sont les noirs, les rouges et les blanches. (lien vers livre : Livre Discours Oeconomique)
On dit de cette race qu’elle a donné la fameuse Poule au pot d’Henry IV, sans doute en partie parce que Henry IV était seigneur de La Flèche...
Cette race a souvent été confondue avec sa cousine Le Mans ou avec la Caux, et parfois vendue comme Bresse mais elle trouve ses origines peut être dans la commune de Mézeray puisqu’elle fut communément appelée la Mezeray à une époque ancienne, par exemple René Antoine Ferchault de Réaumur écrit d’elle en 1751 dans son “Art De Faire Éclorre Et D'Élever En Toute Saison Des Oiseaux Domestiques De Toutes Especes, Soit par le moyen de la chaleur du fumier, soit par le moyen de celle du feu ordinaire : Volume 2” “Entre ces poulardes, celles qui ont la réputation d’être les plus fines sont celles qui viennent de Mezeray”.
Et dès 1600, Olivier de Serres parle des chapons de Mezeray dans son “Theatre d’Agriculture et Mesnage des Champs”
Pour en revenir plus près de nous en 1829 Julien Rémy Pesche et en 1831 Thomas Cauvin nous rapporte que la poularde de Mezeray rencontre un grand succès sur le marché de La Flèche à destination de l’exportation et des meilleures tables de Paris.
Les premiers à en faire des descriptions exhaustives furent Charles Jacques dans son ouvrage Le Poulailler et Paul Le Trône dans deux ouvrages différents parus en 1851 et 1857, témoignant ainsi de l’intérêt qu’on lui portait. Pour la petite histoire, Charles Jacques démonte et critique le calcul de rentabilité sur ce que rapportait l’élevage des poulardes de la Flèche, ce que moi ancien acheteur ait trouvé très plaisant à lire… Je tiens à la disposition des personnes interessées l'intégral du texte.
En 1890 Lewis Wright décrit la race également dans son “Illustrated Book of Poultry” en y reproduisant notamment des sujets récompensés dans les foires expos de Wolverhampton, Bristol et Birmingham en 1871, ce qui confirme le développement à l’exportation de la race.
“L’acclimatation : Journal des éleveurs”, y consacre de nombreux articles et ce dès 1889.
Le premier standard de la race La Flèche a été établi par le «La Flèche Club» en 1906 (citation dans le journal “L’acclimatation”) et non en 1923 comme indiqué parfois de manière erronée.
La race disparut néanmoins dès avant la seconde guerre mondiale, en effet personne ne prenait la suite des éleveurs qui prenaient leur retraite.
Vers 1985, une vingtaine d’éleveurs prirent le parti de recréer la poule La Flèche à partir de souches allemandes en perdant le bénéfice de siècles de sélection dont elle avait fait l’objet, notamment au travers d’une perte de masse significative (perte de 1,5 kg pour le coq et 1,0 kg pour la poule, pour des sujets matures), d’un allongement de la durée d’élevage ainsi que du nombre d’œufs pondus en forte régression.
C’était sans compter l'opiniâtreté d’un éleveur de l’Essonne, Monsieur Georges Mallard qui au début des années 2000 révéla qu’il détenait depuis plus de cinquante ans 4 lignées de La Flèche issue de son âge d’or et dont la masse était conforme aux performances rencontrées naguère.
Celui ci décida un peu plus tard de diffuser des reproducteurs à destination des éleveurs qui souhaitaient sauver la race, grâce lui en soit rendu.
Caractéristiques de la poule La Flèche :
La race La Flèche fait partie des grandes races françaises par sa taille et pour la qualité de sa chair, réputée depuis fort longtemps comme nous venons de le voir.
La Poule La Flèche est haute sur ses pattes, svelte et élancée, il en ressort une impression réelle de puissance et on pourrait même parler d’une certaine noblesse.
Sa crête caractéristique en forme de V ou cornue lui prête une physionomie rugueuse et elle était appelée autrefois poule de Satan ou poule du Diable.
Toutefois ses qualités de volaille d’engraissement, l’extrême finesse de sa chair, en font une volaille résolument de pure tradition française, comparable à un grand crû longuement oublié.
Elle existe en grande race (GR) et en race naine (RN).
Je vous livre ci- dessous le standard de la race livré sans fioritures
Standard
Corps : cylindrique à poitrine large et profonde, long, relevé, à forte ossature
Tête : à l'aspect sévère avec un léger épi derrière les cornes
Narines évasées et reliées par un fer à cheval; ne formant pas une ligne continue mais un décrochement avec le bec
Crête : à cornes rouges et symétriques en forme de U ou de V
Oreillons : grands, ovales, blanc pur
Couleur des yeux : rouge à rouge brunâtre
Couleur de la peau : blanche
Couleur des tarses : entre le noir et le plomb foncé
Variétés de plumage : noir, blanc, coucou, bleu andalou, gris perle
Grande race :
Masse idéale : Coq : min. 3,5 kg ; poule : 3 kg
Œufs à couver : min. 70 g, coquille blanche
Race Naine:
Masse idéale : Coq : 900 g ; poule : 800 g
Œufs à couver : min. 35 g, coquille blanche
La Poule de La Flèche selon la souche pond entre 150 et 200 oeufs par an de 65 à 75 g et à la coquille blanche, c’est une très mauvaise couveuse, dans le passé on confiait souvent aux sussex le soin de les couver. Cela ne l'empêche pas de donner naissance à de forts jolis poussins.
La Poularde de la Flèche est un met goûteux pour ceux qui élèveront la race pour sa vocation première de production de chair mais pour celle ci les sujets seront élevés 6 à 8 mois.
C’est une volaille à croissance lente, ce qui se traduit notamment pour la poule par une ponte tardive (pas avant 6/7 mois).
Comportement :
La Poule La Flèche est une poule très domestiquée eu égard à son passé et son allure un peu rude et vigoureuse cache en réalité une poule très calme qui s’adapte si nécessaire à des parcours restreints et à l’engraissement.
Cependant on privilégiera à chaque fois que cela est possible les grands espaces dans lesquelles elle trouve son plein épanouissement.
C’est une volaille rustique, sans problèmes particuliers et elle résiste bien aux climats rudes, notamment en raison de sa bonne résistance à l’humidité.
C’est une volaille qui nécessite une alimentation équilibrée, vitaminée et minéralisée et des apports en grits (coquilles d'huîtres broyées par ex) afin de lui faciliter la digestion.
En Conclusion :
Cette race mérite d’être plus largement répandue afin de la sauver définitivement, et je pense que le fait que ses représentants très robustes et majestueux en font un excellent choix pour qui veut de splendides sujets d’ornements, je suis enclin à penser que tous les parcs des châteaux du Haut Anjou gagneraient à les accueillir mais en attendant la race compte sur vous, amateurs, débutants et passionnés.
Ce n’est pas une race que je recommanderai à de trop jeunes enfants, la stature de ses sujets peut poser problème à de petites menottes, par contre de jeunes adolescents seront sans doute attirés par son look “démoniaque”, la futur poule des Gothiques peut être.
Pour les amateurs de chants, un petit lien vers la chanson de la poularde, écrite en hommage à la race (Chanson La Poularde)
Remerciements :
Tous mes remerciements aux gentils donateurs qui permettent à cet article d'être illustré par de beaux spécimens, du coloris dominant de la race, si d'autres détiennent d'autres coloris, n'hésitez pas je les rajouterai.
Donc comme je le disais merci à Pierre du Poulailler de Bayou, à Laurent de Caille Ardèche et à Florence qui se reconnaîtra :-).